jeudi 9 octobre 2014

Doit-on dire "Madame le président", ou "Madame la présidente"?



Il y a peu, nous avons eu droit à une énième polémique sur la féminisation des noms de fonction.

Un député s'est obstiné à s'adresser à "Madame le Président", ce qui lui a valu une sanction. De son côté, le député en question affirme être dans son bon droit, et se conformer aux instructions de l'Académie Française.

Qui a raison ?

Revenons en 1984, quand ce débat a commencé (et il dure encore !).

En 1984, donc, une Commission de terminologie a été créée à l’initiative du Gouvernement. Elle était « chargée d’étudier la féminisation des titres et des fonctions et, d’une manière générale, le vocabulaire concernant les activités des femmes ». Cette commission a accouché d'un décret, précisant que « la féminisation des noms de professions et des titres vise à combler certaines lacunes de l’usage de la langue française ». Ainsi, on pouvait dire : "une ministre", "une auteure", "une écrivaine", "une présidente" etc.

Mais l'Académie Française s'est d'emblée opposée à ce décret, pour des raisons qui vont totalement à son encontre, et qui ne seront jamais conciliables.

Voilà leur argumentation :


Il convient en effet de rappeler qu’en français comme dans les autres langues indo-européennes, aucun rapport d’équivalence n’existe entre le genre grammatical et le genre naturel. Le français connaît deux genres, traditionnellement dénommés « masculin » et « féminin ». Ces vocables hérités de l’ancienne grammaire sont impropres. Le seul moyen satisfaisant de définir les genres du français eu égard à leur fonctionnement réel consiste à les distinguer en genres respectivement marqué et non marqué. Le genre dit couramment « masculin »est le genre non marqué, qu’on peut appeler aussi extensif en ce sens qu’il a capacité à représenter à lui seul les éléments relevant de l’un et l’autre genre. Quand on dit « tous les hommes sont mortels », « cette ville compte 20 000 habitants », « tous les candidats ont été reçus à l’examen », etc..., le genre non marqué désigne indifféremment des hommes ou des femmes. Son emploi signifie que, dans le cas considéré, l’opposition des sexes n’est pas pertinente et qu’on peut donc les confondre. En revanche, le genre dit couramment « féminin » est le genre marqué, ou intensif. Or, la marque est privative. Elle affecte le terme marqué d’une limitation dont l’autre seul est exempt. À la différence du genre non marqué, le genre marqué, appliqué aux être animés, institue entre les sexes une ségrégation.

 Donc pour résumer, les articles "le" et "la" n'ont absolument rien à voir avec le genre masculin et le genre féminin, et il ne faut pas entrer dans ce débat, car en faisant cela, on introduit une notion grammaticale qui n'existait pas.

L'Académie Française ajoute également que l'usage a déjà fait le tri, que la féminisation de certains mots n'est pas agréable à lire ou à entendre (cheffesse, doctoresse, écrivaine...). Cet argument est plutôt contestable, car "la présidente" ou "la ministre" ne choque pas l'oreille outre-mesure.

On voit donc bien d'un côté la volonté de faire évoluer une langue dont on estime qu'elle accorde une trop grande importance au masculin, et de l'autre côté un rappel des bases grammaticales qui considèrent les genres des mots de manière différente.

Autant dire que le débat risque de durer encore, alimenté par les anti-féministes. Mais il faudra de toute façon se référer à l'usage, qui est le seul maître de l'évolution de notre langue.

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